Ailleurs dans le monde

D’autres villes ont développé des initiatives agri-urbaines similaires à CARMA, considérées comme indispensables à leur sécurité alimentaire, au bien-être de leur population et à l’attractivité de leur territoire

Plusieurs exemples à l’étranger révèlent le retard de l’agglomération parisienne dans la prise en compte des enjeux écologiques et agricoles d’avenir. La défense de la biodiversité, la protection de la ressource en eau et l’importance des sols dans la lutte contre le dérèglements climatiques justifient le développement de ces initiatives à travers le monde.

Dès la fin des années 80, Milan a choisi de préserver une vaste zone agricole – le Parco Agricolo Sud – située au sud de l’agglomération. Près de Barcelone, sur le périmètre de son aéroport international, le BLAP – Baix Llobregat Agrarian Park – a été initié en 1998 par des agriculteurs déterminés à maintenir la production vivrière. A Montréal, l’objectif adopté dans le cadre du Système alimentaire montréalais est de faire passer la surface agricole de 4% à 6% du territoire. Quant à Liège, le projet de “Ceinture Aliment-Terre” fédère les nombreuses initiatives de production et de distribution de produits locaux. 

Liège

Depuis novembre 2013, un groupe de citoyen.nes développe un projet de relocalisation de l’alimentation dans la province de Liège, qui compte 1 100 000 habitants. L’objectif de la Ceinture Aliment-Terre Liégeoise (CATL) est d’accroître la part locale de la production alimentaire et de fédérer les initiatives de production et de consommation alternatives. 

La Ceinture Aliment-Terre Liégeoise défend la mise en oeuvre de la transition alimentaire dans les cantines scolaires et la création de “halls relais agricoles”, lieux qui permettent aux producteurs et aux sociétés coopératives de stocker des produits agricoles dans le but de faciliter la mise en place de circuits courts. Depuis la création de la Ceinture Aliment-Terre, la Province de Liège compte une quinzaine de nouvelles coopératives dans tous les domaines de la filière alimentaire. Le nombre de maraîchers y a doublé. 

La coopérative alimentaire “Les Petits Producteurs” est l’un des projets-phares de la Ceinture Aliment-Terre. Née en 2016, elle compte aujourd’hui trois magasins. 

Chaque année au printemps, le festival “Nourrir Liège” est consacré à la question de la souveraineté alimentaire.

       

Montréal

La ville de Montréal a été confrontée à une urbanisation massive entre 1961 et 2006. La création en 2011 du Système alimentaire montréalais (SAM) vise à accorder la priorité à la santé environnementale, économique et sociale de la collectivité. Le SAM est un réseau de collaboration territorial qui intègre la production, la transformation, la distribution, la consommation de produits alimentaires et la gestion des matières résiduelles.

Les « Moissonneurs solidaires » poursuivent les buts suivants :

  • Développer une alternative d’approvisionnement en légumes frais au profit des banques alimentaires ;
  • Accroître, en volume et sur une plus longue période de l’année, la consommation de légumes chez les personnes en situation de pauvreté ;
  • Aider des personnes en difficulté à s’intégrer par le biais de travaux agricoles. 

Par ailleurs, Montréal développe de nombreuses initiatives d’agriculture urbaine et périurbaine. La recherche dans ce domaine y est de plus en plus riche, notamment grâce à l’inauguration récente d’un laboratoire sur l’agriculture urbaine.


Jardin communautaire sur des terres à proximité du périmètre d’urbanisation / Montréal

Milan

Le Parc agricole du Sud-Milan (PASM) se déploie sur une superficie protégée de 46.300 hectares et regroupe une soixantaine de communes.

Le projet « Nutrire Milano » (« Nourrir Milan ») vise à transformer ce territoire en modèle d’agriculture durable : tous les producteurs engagés dans le projet se sont engagés à signer un cahier des charges qui institue des pratiques respectueuses de l’environnement.  


Parc agricole du Sud-Milan

Barcelone

Le Parc agraire du Baix Llobregat représente 2.700 hectares classés «agricoles » dans le périmètre de la commune de l’aéroport international de Barcelone. 

L’agro-tourisme s’y développe à travers des treks de loisirs, des ateliers de cuisine et de dégustation ainsi que des sessions éducatives avec le public scolaire. 

Le label « Fresc » («frais» en catalan) permet aux consommateurs d’identifier la production locale dans les marchés et les restaurants de la métropole catalane.


Genève

Le Canton de Genève est composé de 45% de zones agricoles (vigne, grandes cultures, maraichage et peu d’élevage), 25% de zones urbaines et 30% de lacs et forêts. Il y a en effet la volonté de protéger à la fois les zones agricoles et les milieux naturels, qui sont des poumons de verdure et des hot spots de biodiversité.

En 1918, un premier plan de zone a défini les zones à bâtir ou non. La SDA (surface d’assolement) est un outil de protection des terres arables de la loi d’aménagement du territoire en vigueur depuis 1981 au niveau fédéral. 7% de la surface des terres exploitées doit être consacrée à la biodiversité au niveau fédéral, mais cette surface est de 14% dans le Canton de Genève car elle constitue un maillage indispensable au maintien et au renforcement de la biodiversité. Les contrats de corridors biologiques sur le territoire genevois et transfrontaliers permettent une bonne coordination avec la France pour maintenir un couloir pour le passage de la faune et ne pas isoler les réservoirs de biodiversité.

Le soutien à la production agricole et aux produits alimentaires est aussi très important à Genève depuis 1997. Il existe une marque de produits locaux, avec plus de 500 produits labélisés et une politique de soutien aux filières. Les réseaux agro environnementaux apportent quant à eux une qualité de l’espace rural et naturel. Une particularité du Canton de Genève est de coordonner et concilier Agriculture et Nature. Les agriculteurs veulent produire et les défenseurs de la nature veulent interdire l’accès à des périmètres protégés. Mais des solutions ont pu être mises en place au travers de politiques mixtes de promotion de l’agriculture et de l’environnement. On peut avoir une prairie en friche exploitée tardivement par l’agriculteur acceptant de jouer le jeu de la préservation de la biodiversité. Cela fait 2 ans que, au niveau politique, l’agriculture a fusionné avec la nature et le paysage. Ce rapprochement administratif a aussi pour avantage d’avoir un discours cohérent intégrant les contraintes et les enjeux

Baltimore

Le réseau Farm Alliance, créé en 2011, rassemble aujourd’hui dix-sept fermes urbaines à Baltimore, sur la côte est des Etats-Unis. Ces exploitations sont installées sur d’anciennes friches industrielles de la ville, frappée de plein fouet depuis les années 1970 par la désindustrialisation, la fermeture des chantiers navals et la récession économique.

De nombreux habitant.e.s de la ville souffrent d’insécurité alimentaire et un quart de la population vit dans un désert alimentaire, lieu dépourvu de magasins proposant des produits sains et abordables. L’un des objectifs de la politique menée à Baltimore est de rendre accessibles des produits biologiques de qualité au plus grand nombre. La reconversion des espaces abandonnés en fermes urbaines, d’abord initiées par les citoyen.nes, est désormais encouragée par la municipalité. De nombreux jardins partagés (community gardens) ont été créés dans les quartiers défavorisés de la ville.

La Real Food Farm, inaugurée en 2009 entre d’anciens entrepôts et un lycée à l’abandon, fait aujourd’hui partie de la Farm Alliance. Les membres de cette ferme urbaine du quartier de Homestead distribuent les légumes récoltés dans les autres quartiers de la ville.

La Havane

L’agriculture urbaine s’est développée à La Havane pour pallier les pénuries alimentaires cubaines qui ont suivi l’effondrement de l’URSS. Le pays se trouvait coupé des ressources financières et pétrolières que lui procuraient l’URSS.

Les « organopónicos », ou jardins-potagers, se sont développés rapidement, appuyés par le gouvernement. Créés dans l’urgence, ces espaces verts constituent un modèle d’agriculture urbaine biologique. Avec eux, les Cubains ont inventé une nouvelle manière de vivre la ville : sur les toits, les balcons, entre les immeubles, les surfaces cultivables s’improvisent sous toutes les formes.

Les “organoponicos” à La Havane nourrissent la ville en fruits et légumes / Image : Susanne Bollinger, CC BY-SA 4.0, Wikimédia

Les organoponicos sont en général composés de bandes étroites (30 à 60cm) de terres soutenues par des murets. La terre est enrichie en matière organique et est irriguée par goutte à goutte; c’est un système de culture intensif. 

Plus de 35,000 hectares sont cultivés en agriculture urbaine à La Havane (plus de 400.000 organoponicos). Ces « jardins potagers » produisent quotidiennement 280 grammes de fruits et légumes par habitant sur l’ensemble de la ville. Le nombre de personnes travaillant dans ces jardins est passé de 9.000 en 1990 à plus de 44.000 en 2006.

Le gouvernement procure aux fermiers le foncier et l’eau.Il leur vend des « matériaux » comme le compost organique, les semences, le matériel d’irrigation et les pesticides « organiques » appelés “biocontrols” (insectes bénéfiques, extraits biologiques de plantes). Ces agents biologiques bénéfiques sont produits dans 200 centres gouvernementaux répartis dans le pays. Dans la partie urbaine de La Havane il est obligatoire de pratiquer l’agriculture biologique.

Lien vers un film consacré aux “organoponicos” de La Havane :


Les organoponicos de La Havane / Film diffusé sur ARTE

Réalisation David Perrier / 2018 / diffusé sur Arte du 04/02/2019 au 05/04/2019