Agro-écologie

De l’agro-écologie à la permaculture…

Aujourd’hui l’agriculture du Pays de France, dont le Triangle de Gonesse fait partie, est caractérisée par de grandes cultures basées essentiellement sur un modèle industriel de production, déployée sur des parcelles de plusieurs dizaines d’hectares. Le projet CARMA propose de faire évoluer progressivement les pratiques agricoles vers des modes de production moins « industriels » et plus respectueux de l’environnement basée sur des principes d’agro-écologie, avec des productions diversifiées de maraîchage et d’arboriculture notamment, en complément des cultures céréalières qui subsisteront.

L’ensemble du territoire ferait l’objet d’un traitement agro-forestier ambitieux. Cette diversification des productions permettra d’augmenter la valeur ajoutée sur le Triangle agricole.

Ce type de transformation permet de diversifier les paysages et de revaloriser le territoire, dans ses aspects nourriciers, écologiques, voire touristiques et paysagers. Mais cet investissement, de longue durée, nécessite de pérenniser la vocation agricole des terres.

Il ne peut être mené par les agriculteurs, les paysans, que si ceux-ci ont la certitude que les terres seront protégées de l’urbanisation, sur le long terme.

Les pratiques agro-écologiques

L’agroforesterie

Source Ministère de l’agriculture

Le système agricole actuel, basé essentiellement sur la monoculture sur de grandes parcelles (céréales, oléagineux, voire betteraves), n’utilise que très partiellement les qualités du sol sur lequel il se développe. Pire, il le dégrade et le fragilise, l’appauvrit. L’agriculture industrielle se maintient à force d’intrants, d’engrais de synthèse et de produits chimiques, et elle n’est pas très éloignée d’une production « hors-sol ». Le substrat (le sol), à part pour ses qualités de rétention en eau, n’est utilisé que sur sa couche superficielle. Sa flore et sa faune microbiennes sont très appauvries, tout comme la matière organique qu’il contient.

Il convient d’enrichir ce sol à nouveau et d’en exploiter toutes les potentialités. La plantation d’arbres, au système racinaire profond, en est un des éléments majeurs.

Les avantages apportés par cette diversification sont extrêmement nombreux. Nous citerons les principaux:

  1. sur un cycle la production de biomasse (alimentaire et non alimentaire) est augmentée;
  2. une parcelle plantée par exemple de noyers et de blé d’hiver associe deux plantes complémentaires, aux productions décalées dans le temps, et qui s’additionnent quant aux revenus. Les arbres constituent un stock de carbone et enrichissent le sol en matière organique (avec la chute des feuilles et le système racinaire);
  3. l’association de plantes « complémentaires » permet de lutter contre les parasites et de limiter l’utilisation de pesticides;
  4. l’arbre protège les cultures du vent, des pluies violentes et de la grêle, d’une insolation excessive;
  5. l’enracinement profond récupère les nitrates en profondeur et les autres éléments minéraux. Il limite donc les apports d’engrais nécessaires et la pollution des nappes phréatiques;
  6. l’arbre permet de lutter contre érosion des sols.

L’agroforesterie contribue par ailleurs au développement de la biodiversité. Les arbres abritent de nombreuses espèces, animales et végétales. Les chauve-souris par exemple apprécient les arbres et participent à la lutte contre la prolifération d’insectes. Ils abritent aussi les pollinisateurs comme les abeilles.

Graminées sous des chênes / source Wikipédia

Plantations de haies et d’arbres d’alignement / bocage

Paysage de bocage dans le Cotentin

Le bocage permet de constituer un réseau écologique sur le territoire. L’imbrication de haies, talus, fossés et éventuellement de prairies et d’arbres, isolés ou alignés, permet de créer des « corridors biologiques » qui abriteront une flore et une faune riches. La taille des parcelles doit être limitée par ces corridors biologiques qui peuvent accueillir des auxiliaires de culture.

On estime qu’en France 2 millions de Km de haies bocagères ont été détruites par la mécanisation et l’intensification de l’agriculture entre 1970 et 1990. A cette catastrophe écologique s’ajoutent les effets de l’épidémie de « graphiose » de l’orme qui tue presque tous les grands ormes de France, autrefois très présents dans le bocage.

Ancien parcellaire sur le Triangle de Gonesse /  Cadstre actuel (source Géoportail) / Sans prétendre qu’il y ait eu un paysage de bocage sur ce territoire, nous pouvons supposer qu’il existait des arbres d’alignement, peut être des haies, et des cultures beaucoup plus variées qu’aujourd’hui…

Les avantages d’un système bocager sont nombreux:

  1. en plus des cultures ou des herbages qu’il accueille sur ses parcelles, il apporte des ressources en fruits, champignons, gibier… beaucoup plus nombreuses et diversifiées que dans les « openfield »;
  2. il permet la rétention de l’eau (talus, fossés, végétation) et la protection contre l’érosion des terres. Dans les régions bocagères les rivières ont des eaux beaucoup plus claires et poissonneuses;
  3. les haies abritent de nombreux animaux régulateurs des insectes et l’on constate moins d’invasions ou de pullulations biologiques;
  4. il protège contre les effets du vent et du soleil: atténuation des chocs climatiques;
  5. il fournit du bois de chauffage (ou bois de particules), voire du bois d’oeuvre et des fruits (arbres fruitiers, baies, mûres, etc.).

La diversification des productions sur le territoire n’a donc pas que des vertus écologiques, mais aussi économiques dans la multiplication des ressources possibles, limitant les risques que courent les exploitations agricoles soumises aux aléas des marchés internationaux, très variables.

La diversification des cultures / Les cultures de plein champs

Terres du Triangle de Gonesse en 2017 / photographie Jules ABEL

Le paysage agricole des grandes plaines céréalières autour de Paris s’est radicalement simplifié ces dernières décennies, et appauvri du point de vue écologique. 

La variété des cultures dans le « Pays de France » autrefois montre qu’il est tout à fait envisageable de diversifier les cultures sur ces terres. Les aléas climatiques ou ceux des marchés internationaux fait courir aux agriculteurs le risque d’années « creuses », qui serait diminué si les productions étaient plus variées et étalées sur le calendrier annuel. Petits pois, choux fleurs, haricots verts et poireaux par exemple étaient cultivés en plein champ vers Sarcelles et Saint-Brice sous Forêt entre autres lieux et alimentaient le marché des Halles à Paris ou les villes du Nord de la France (vous pouvez vous reporter à la page “CARMA Pays de France > Territoire du projet” qui recense les productions très variées du Pays de France).

Etant donné l’ampleur aujourd’hui des besoins alimentaires de l’Ile-de-France, et le souhait des habitants de bénéficier de produits locaux et de qualité, il serait tout à fait raisonnable de réintroduire ce type de cultures.

Raymond Mason – Le départ des fruits et légumes du coeur de Paris, 28 février 1969, église Saint-Eustache

L’agriculture biologique

Fruits et légumes cultivés en agriculture biologique / source Wikipédia

L’agriculture biologique est une méthode de production agricole qui exclut le recours à la plupart des produits chimiques de synthèse, utilisés notamment par l’agriculture industrielle et intensive depuis le début du 20e siècle, les organismes génétiquement modifiés, et la conservation des cultures par irradiation. La fertilisation du sol et la protection des plantes doivent donc être assurées par d’autres méthodes. Les motivations des producteurs et des consommateurs peuvent être la recherche de produits plus sains, ayant plus de goût, de meilleurs revenus, une meilleure santé au travail, la protection de l’environnement, etc.

Le projet CARMA soutient le désir des habitants de se nourrir sainement et de manière écologique. Il souhaite faire évoluer les pratiques agricoles sur le territoire du Pays de France dans ce sens.

La permaculture

Masanobu Fukuoka (1913-2008) (« La révolution d’un seul brin de paille » / 1975) avait réussi la culture du riz et de l’orge sans travail du sol (sous une couverture permanente de trèfle blanc), sans désherbage mécanique, sans engrais préparé et sans pesticide, tout cela avec des rendements égaux et parfois supérieurs à ceux de l’agriculture chimique.

Bill Mollison s’appuie sur ses travaux agricoles, alors qu’il se demandait comment intégrer de manière satisfaisante les céréales et les légumineuses dans la permaculture. Il cite Masanobu Fukuoka comme celui ayant le mieux énoncé la philosophie de la permaculture.

La permaculture adopte les principes de l’agro-écologie, mais elle est une méthode globale qui vise à concevoir des systèmes (par exemple des habitats humains et des systèmes agricoles) en s’inspirant de l’écologie naturelle et de la tradition. Elle n’est pas une méthode figée mais un « mode d’action » qui prend en considération la biodiversité de chaque écosystème. Elle ambitionne une production agricole durable, très économe en énergie (autant en ce qui concerne le carburant que le travail manuel et mécanique) et respectueuse des êtres vivants et de leurs relations réciproques, tout en laissant à la nature « sauvage » le plus de place possible.

Le terme permaculture signifie initialement « agriculture permanente », mais il a été rapidement étendu pour signifier « culture de la permanence » car les aspects sociaux faisaient partie intégrante d’un système véritablement durable.

Avec ce sens étendu, la permaculture forme des individus à une éthique ainsi qu’à un ensemble de principes. L’objectif étant de permettre à ces individus de concevoir leur propre environnement, et ainsi de créer des habitats humains plus autonomes, durables et résilients, et donc une société moins dépendante des systèmes industriels de production et de distribution (identifiés par Mollison comme le fondement de la destruction systématique des écosystèmes).

Elle utilise entre autres des notions d’écologie, de pédologie, de paysagisme, d’agriculture biologique, de bio-mimétisme, d’éthique et de philosophie. La permaculture invite à mettre ces aspects théoriques en relation avec les observations réalisées sur le terrain de façon harmonieuse.

La permaculture pourra se développer sur le territoire de CARMA, vraisemblablement de manière localisée, peut être sous forme de petites exploitations spécifiques. Mais les apports de la permaculture, conçue aussi comme un espace de recherche et d’observation des phénomènes naturels (interactions entre plantes, ou entre plantes et animaux par exemple), pourra permettre d’enrichir les pratiques agricoles sur les autres exploitations, plus « traditionnelles ».

A titre d’exemple, voici en quelques images de l’exploitation de Monsieur Kaneko près de Tokyo (Japon). Marie-Monique Robin en parle dans son film « Les moissons du ciel ».